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L'actu de Rizzo
2 février 2017

Quand on aime Grety

Grétry ne paraît pas avoir eu une grande instruction, et les questions d'esthétique étaient peu avancées, quoiqu'on eût beaucoup parlé et écrit à propos de la guerre 114 des lullistes et des ramistes, des gluckistes et des piccinistes. Grétry avait d'ailleurs sa fatuité, qu'on lui pardonne en faveur de son grand talent. Il était convaincu que personne n'avait réussi comme lui à transformer la déclamation en «mélodie délicieuse». Gluck, pour lui, n'avait fait que de la déclamation; quant à Mozart, il ne le nomme pas une seule fois dans les trois volumes de ses Mémoires. Il acceptait avec une naïve confiance tout ce qui flattait son amour-propre. Il avait cherché pendant cinq heures de la nuit à faire la romance «une fièvre brûlante» dans le vieux style. Il était persuadé d'avoir réussi, d'autant plus qu'on le lui assurait; nous y voyons aujourd'hui un morceau heureux, et nous nous demandons ce qui peut le faire paraître vieux. Sont-ce les fautes de prosodie? On en a fait de tout temps. Au XIXe siècle, on en a fait de propos délibéré, et plus que jamais. Sont-ce les petites syncopes? Ce ne sont pas de vraies syncopes; elles en imitent 115 l'effet, si l'on admet que dans la mesure à trois temps le dernier temps est un peu moins faible que le deuxième; voyez la sixième mesure et les deux mesures avant la dernière. C'est bien peu; la mélodie n'embrasse que l'intervalle d'une quinte, comme une foule de mélodies populaires. Selon Grétry, l'ouverture indique assez bien que l'action n'est pas moderne; les personnages nobles prennent à leur tour un ton moins suranné, parce que les mœurs des villes n'arrivent que plus tard dans les campagnes. L'air «O Richard, ô mon roi» est dans le style moderne, parce qu'il est aisé de croire que le poète Blondel anticipait sur son siècle, par le goût et les connaissances. Aujourd'hui, l'air nous paraît seulement assez terne, parce qu'il est pauvre d'harmonie et tourne toujours sur une même formule de cadence; la romance nous paraît plus neuve que cet air. C'est une tentative d'autant plus vaine de vouloir faire de la musique rétrospective, 116 que l'art ne caractérise jamais le temps auquel il répond. On peut le prétendre jusqu'à un certain point pour l'architecture, parce qu'on sait de quelles époques sont les différents styles; mais c'est tout. La musique d'aujourd'hui ne caractérise pas plus le XIXe siècle, que la musique d'il y a cent ans ne caractérisait la Révolution française.

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L'actu de Rizzo
  • Rizzo - franco-italien, jeune pour toujours. J'aime voyager, j'aime manger, j'ai boire, j'aime danser. J'aurai du vivre au Moyen Age pour profiter comme il se doit, mais en attendant je suis coincé au 21ème Siècle. Bonne lecture!
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