A Berlin, toujours Fillon

Peu d'hommes politiques auront connu une telle chute aux portes de la victoir : François Fillon s'est littéralement écroulé, tel un colosse aux pieds d'argile. Pourtant, l'affaire qui le concerne va bien au-delà de son individuel, je pense. J'ai encore abordé cette question la semaine dernière avec plusieurs personnes, pendant un voyage de groupe à Berlin. Et j'en viens à penser que la débâcle de Fillon marque un tournant important dans notre Histoire. Les politiciens inspirent depuis toujours une certaine indignation (d'où le retour du populisme en Europe et dans tout le monde occidental, d'ailleurs). Pourtant, les gens continuaient de croire un peu en eux, je crois. Mais l'affaire Fillon a cassé quelque chose. L'écœurement provoqué par la classe politique est passé à une autre échelle. Et cette confiance brisée ne risque pas de revenir. Même l'affaire Bygmalion semble insignifiante, en comparaison de l'affaire Fillon. Car ce n'est pas qu'une question de sommes. Il y a dans cette dernière affaire un caractère éminemment symbolique. Qu'un candidat ose mettre en avant sa droiture et son incorruptibilité, alors qu'il a en fait extorqué pour plus d'un million d'euros, est bien plus que choquant : c'est un pied-de-nez fait au peuple. Mais ce n'est pas tout. Au-delà de Fillon, il y a eu aussi la réponse de pas mal de politiciens de droite pendant cette affaire : et leurs propos étaient tout aussi choquants que l'affaire elle-même. Copé, Bernard Debré, Fillon lui-même : chacune de leurs interventions n'a fait qu'accentuer la grogne, le dégoût à leur égard. Accuser les journalistes de fouiner alors qu'il y a « tant d'autres choses plus importantes » ? Dire qu'il n'y a aucune faute, puis évoquer juste après le cas des enfants rénumérés alors qu'ils étaient de simples étudiants ? Dire qu'il est normal pour un politique de faire profiter sa famille de ses avantages ?? Les proches de Fillon n'ont cessé de mettre des buts contre leur propre camp ; ils ont donné le spectacle d'une élite qui y est si habituée à ces pratiques qu'elle trouve choquant que les électeurs soient choqués ! Il faut se retirer de la tête qu'il ne se joue là qu'une affaire de détournement qui sera vite oubliée. Tout ça est allé trop loin. Fillon a bâti sa campagne sur sa moralité, il s'est construit une image de champion immaculé. En tombant de la sorte, il porte atteinte à la droite dans son ensemble, voire à notre démocratie toute antière. François Perrin, dans La chèvre, n'aurait pas fait mieux. Bravo, Fillon. Au passage, j'ai bien aimé ce voyage de groupe à Berlin. Les débats concernant Fillon étaient très animés, mais l'ambiance a été excellente le reste du temps. Voilà l'agence où j'ai déniché ce voyage, pour les globe-trotters.