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L'actu de Rizzo
28 juillet 2015

Dans la tête de Vincent Lambert

Vendredi 5 juin, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) se prononcera sur l'arrêt ou non de l'alimentation et de l'hydratation de Vincent Lambert. En 2008, ce trentenaire est victime d'un accident de la route qui provoque des lésions cérébrales irréversibles. Depuis, son épouse veut qu'il puisse "partir" dignement, mais ses parents s'opposent farouchement à ce qu'ils qualifient d'"euthanasie déguisée". On s'inquiète, à raison, des conditions dans lesquelles s'appliquent l'euthanasie pour le malade, mais qu'en est-il pour la famille, les proches qui y assistent . Médecin, mari, femme, enfant, ami, comment ont-ils vécu ce moment si particulier? De l'aveux de tous, c'est un moment rapide. Plus rapide qu'ils l'avaient imaginé. Après souvent des mois, voire des années difficiles passés auprès d'un proche en fin de vie, que ressentent-ils? De la peine? Du soulagement? Du désespoir? Un mélange d'émotions qui n'est pas évident à vivre. Surtout le jour d'après et qu'il faut faire face à l'absence. Dans le livre Je vous tiendrai la main : euthanasie, travaux pratiques écrit par Paulina Dalmayer, l'auteure interroge le docteur Yves de Locht qui pratique des euthanasies en Belgique depuis 2002, il raconte ces moments difficiles à vivre pour l'équipe soignante présente : "Je ne suis pas bien avant et encore moins bien après... Heureusement d'ailleurs. Ce n'est pas un acte médical comme un autre. Je ne connais aucun médecin pour qui l'euthanasie est une pratique banale. Peu importe le nombre d'euthanasies qu'il a pu pratiquer. Pendant l'acte il y a une émotion très forte parce qu'il s'agit toujours, c'est le cas pour moi, d'un patient qu'on suit depuis longtemps, qu'on connaît bien. Il y a de la tristesse et aussi comme une sorte de sérénité qui se libère. Du point de vue technique, le geste ressemble à une anesthésie. En quelques secondes, la personne s'endort profondément sans aucune souffrance, puis cesse de respirer, et meurt. Je me sens toujours accablé après une euthanasie tout en me disant que j'ai accompli quelque chose de bon, malgré tout. Je ne reprends jamais le travail tout de suite. Je m'arrête pendant quelques jours, je pars à la mer, je parle de ce que j'éprouve avec mon épouse, mes amis. C'est une sorte de rituel. Je garde en mémoire les visages de toutes les personnes que j'ai euthanasiées. Non pas que ces visages me hantent, loin de là. Je ne me sens aucunement coupable ni assassin. Mais j'ai partagé avec ces personnes une émotion extrême... Ça reste." En décembre 2012, Geneviève a aidé une amie qui souffrait d’un cancer à mourir. Elle a témoigné de son expérience dans Libération un an plus tard. En contact avec une pharmacienne habitant en Suisse, Geneviève, accompagnée de son compagnon, a pu donner une dose létale à son amie de toujours. Un choix qu'elle a mis du temps à accepter mais qu'elle ne regrette pas. "La présence solidaire et rassurante de mon compagnon m’a été d’un grand soutien et m’a permis de rester calme et souriante pour lui redemander encore une fois si elle voulait vraiment continuer. Elle s’est presque fâchée en réaffirmant qu’elle était décidée à mourir. Puis, un peu inquiète :"J’espère que vous ne vous ferez pas prendre, que vous n’aurez pas d’ennuis à cause de moi." Elle a bu lentement, sans s’arrêter, en nous regardant tour à tour. Après quelques gorgées, elle a hoqueté, m’a regardée droit dans les yeux en me disant : "C’est très amer, mais je continue." "Ce furent ses dernières paroles. Elle posa sa tête doucement sur l’oreiller et ferma les yeux pour ne plus les rouvrir. Son pouls s’est affaibli peu à peu, jusqu’à ce que nous ne le sentions plus sous nos doigts. Avec mon compagnon, nous sommes restés silencieux, très émus, ses mains dans les nôtres pendant plus de deux heures. Nous voulions être certains qu’elle ne se réveillerait pas et que nous avions agi comme elle le souhaitait. Elle m’avait fait promettre que si cela ne marchait pas, et qu’elle se retrouvait en soins palliatifs, je devrais alors tout faire pour la faire sortir et recommencer." Éviter un destin à la Vincent Lambert. Voilà le souhait d'un grand nombre de Français comme le révélait l'Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité (ADMD) dont les adhésions ont largement augmenté ces derniers mois. Pour l'éviter, il ne s'agit pas seulement de s'imaginer, si tant est que cela soit possible à sa place, c'est aussi d'imaginer que l'on pourrait être l'un de ses proches qui le regardera peut-être un jour mourir.

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L'actu de Rizzo
  • Rizzo - franco-italien, jeune pour toujours. J'aime voyager, j'aime manger, j'ai boire, j'aime danser. J'aurai du vivre au Moyen Age pour profiter comme il se doit, mais en attendant je suis coincé au 21ème Siècle. Bonne lecture!
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